Un volcan est une montagne qui rejette de la fumée, des poussières calcinées, des pierres ardentes et des matières fondues appelées laves. Le sommet est creusé d'une grande excavation, en forme d'entonnoir, que l'on nomme cratère. Le fond de cet entonnoir communique avec l'intérieur de la terre par des canaux tortueux ou cheminées, dont la profondeur ne peut être connue.

La hauteur d'un volcan est fort variable. Quelques-uns ne s'élèvent que de quelques centaines de mètres ; d'autres atteignent la hauteur d'une lieue ou même la dépassent : tel est l'Antisana, dans l'Amérique du Sud, qui se dresse à 5,833 mètres d'élévation. L'étendue du cratère est très-variable aussi. Lors de l'éruption de 1822, le cratère du Vésuve avait une lieue environ de tour et 300 mètres de profondeur. Dans l'archipel des îles Sandwich, se trouve un volcan dont le cratère a de cinq à six lieues de circonférence et 400 mètres de profondeur, Mais, en général, les dimensions d'une bouche volcanique sont beaucoup moindres.

Les volcans de l'Europe sont : le Vésuve, près de Naples l'Etna, en Sicile ; le Stromboli, dans le petit archipel de Lipari, au nord de la Sicile ; l'Hécla, le Scapta-Jockül et six autres en Islande. Le Vésuve a 1,290 mètres de hauteur ; l'Hécla, 1,690 ; et l'Etna, 3,315. Pour vous donner un aperçu des faits les plus remarquables que présente une éruption volcanique, je choisirai de préférence le Vésuve, le mieux connu des volcans de l'Europe.

L'approche d'une éruption est en général annoncée par une colonne de fumée qui remplit l'orifice du cratère, et s'élève tout droit, lorsque l'air est calme, jusqu'à près d'une lieue de hauteur. A cette élévation, elle s'étale en une couche interceptant les rayons du soleil. Quelques jours avant l'éruption, la gerbe de fumée s'épaissit et s'affaisse sur le volcan, qu'elle recouvre d'un gros nuage noir. Mais alors la terre commence à trembler autour du Vésuve ; de sourdes détonations grondent sous le sol, et, de moment en moment plus fortes, dépassent bientôt en intensité les plus violents coups de tonnerre. On croirait entendre les canonnades d'une nombreuse artillerie détonnant sans repos dans les flancs de la montagne.

Tout à coup une gerbe de feu jaillit du cratère jusqu'à deux ou trois mille mètres d'élévation. Le nuage planant sur le volcan s'allume des rougeurs de l'incendie, le ciel paraît s'embraser. Des millions d'étincelles s'élancent comme des éclairs jusqu'au sommet de la gerbe flamboyante, décrivent de grands arcs en laissant sur leur trajet des traînées éblouissantes, et retombent en pluie de feu sur les flancs du volcan. Ces étincelles, si petites de loin, sont des blocs incandescents, parfois de quelques mètres de dimensions, et de force à écraser dans leur chute les plus solides édifices. Quelle est la machine construite de nos mains qui pourrait lancer de pareils quartiers de roche à de telles hauteurs ? Ce que tous nos efforts réunis ne sauraient faire une seule fois, le volcan l'accomplit sans relâche, comme en se jouant. Pendant des semaines, des mois entiers, ces blocs rougis sont lancés par le Vésuve, aussi nombreux que les étincelles d'un feu d'artifice.

Cependant, des profondeurs de la montagne, monte, par la cheminée volcanique, un flux de matières minérales fondues ou laves, qui s'épanchent dans le cratère et forment un lac de feu aussi éblouissant que le soleil. Les spectateurs qui, de la plaine, suivent avec anxiété la marche de l'éruption, sont avertis de l'arrivée des laves par la pénétrante réverbération qu'elles jettent sur les fumées planant dans les hauteurs de l'air. Mais le cratère est plein alors le sol s'ébranle soudain, se fend avec un bruit de tonnerre, et par les crevasses comme pardessus les bords du cratère, les laves s'épanchent en ruisseaux.

Le courant de feu, formé d'une matière éblouissante et pâteuse, pareille à un métal en fusion, s'avance avec lenteur ; le front de la coulée ressemble à un rempart incendié qui marche. On peut fuir devant lui, mais tout ce qui est fixé au sol est perdu. Les arbres flamboient un instant au contact des laves, et s'affaissent carbonisés ; les murs les plus épais sont calcinés et s'écroulent ; les roches les plus dures sont vitrifiées, fondues.

L'émission de la lave a, tôt ou tard, un terme. Alors les fumées souterraines, délivrées de l'énorme pression de la masse fluide, se dégagent avec plus de violence que jamais, entraînant avec elles des tourbillons de fine poussière, qui plane en sinistres nuées et s'abat sur la plaine environnante, ou même est poussée par les vents jusqu'à des centaines de lieues de distance. Enfin la terrible montagne s'apaise, et tout rentre dans le repos pour un temps indéterminé.

La quantité de lave vomie par un volcan, en une seule éruption, atteint parfois des proportions prodigieuses. En voici un exemple : — le 11 juin 1783, eut lieu, en Islande, une éruption mémorable, celle du Scapta-Jockül. Les laves se dirigèrent vers une rivière, large en plusieurs endroits de 60 mètres et encaissée entre des berges de 100 à 200 mètres de profondeur. La lutte du feu et de l'eau fut terrible, mais de courte durée : la rivière, tarie jusqu'à la dernière goutte, fit place aux laves qui en comblèrent le lit. Ce ne fut pas assez : le flot ardent déborda dans les plaines voisines jusqu'à une grande distance, et alla tarir également et combler un grand lac. Puis, continuant sa marche, il atteignit une ancienne coulée et s'engouffra dans des cavernes souterraines, dont les parois se ramollissaient comme cire au contact des laves qui venaient pourtant de dessécher une rivière et un lac.

Une semaine après, un autre flux de laves s'écoula du volcan et se répandit sur la première coulée, pour se précipiter, après plusieurs jours de marche, au fond d'un gouffre qu'une puissante chute d'eau avait mis des siècles à creuser. Une fois le gouffre rempli jusqu'aux bords, le fleuve de laves reprit son cours pour ne s'arrêter qu'à dix-huit lieues de son point de départ. Sa largeur, dans les terrains en plaine, variait de quatre à cinq lieues ; son épaisseur ordinaire était de trente mètres ; mais, dans les défilés, elle allait jusqu'à cent quatre-vingt-trois mètres. On évalue qu'une étendue de quatre-vingts lieues carrées fut couverte par la lave et convertie en lac de feu.

source : Jean-Henri Fabre, Aurore, 1874