Down, Le 21 Janvier 1881

Cher et très honoré Monsieur,

Je vous suis très reconnaissant de votre intéressante lettre. Vos résultats m'apparaissent de haute importance, pour ce qui est d'élargir les moyens présumés, par lesquels les animaux pourraient peut-être reconnaître leur direction. Et ce qui a été dit au sujet des populations sauvages, qui s'ajoute à nos connaissances, semble représenter les solutions les plus probables. Si vous pensez que cela en vaut la peine, vous pouvez bien sûr mentionner mon nom en relation avec le sujet.

Si vous réussissiez à éliminer l'influence des courants magnétiques de la terre, le champ des investigations serait ouvert. Je suppose que même ceux qui croient encore que chaque espèce a été créée séparément admettraient que certains animaux possèdent un sens par lequel ils perçoivent la direction et dont ils font usage instinctivement. En parlant de ce sujet à mon fils George, qui est mathématicien, et qui a des connaissances en magnétisme, il suggérait de fabriquer une très fine aiguille aimantée ; ensuite de la briser en petits morceaux qui seraient toujours aimantés et de fixer un de ces morceaux à l'aide de quelque ciment sur le thorax de l'insecte avec lequel on veut faire l'expérience. Il pense qu'un si petit aimant, de par son étroite proximité du système nerveux de l'insecte, atteindrait celui-ci davantage que ne le feraient les courants terrestres.

J'ai reçu votre Essai sur les Halictes ("Ann. Sc. Nat. " IX., 1879-80), que je suis sûr de lire avec beaucoup d'intérêt.

Avec mon plus grand respect et ma confiance, je demeure, cher Monsieur, bien vôtre.

Charles Darwin


source : "FABRE, L'HOMME QUI AIMAIT LES INSECTES" - Yves DELANGE - Juin 1999
Reproduction avec l'aimable autorisation de l'auteur.