Monsieur,
J'apprends avec une vive satisfaction que vous vous proposez de faire bientôt une herborisation aux environs d'Orange. Vous me demandez quel jour je serai libre. Je suis à votre disposition pour tel jour qui vous conviendra. Choisissez vous même et veuillez seulement m'avertir un ou deux jours à l'avance pour être sûr de me trouver dès votre arrivée.
Il convient aussi, je crois, de laisser passer la période de mauvais temps que nous traversons ; la végétation est encore bien peu avancée. Dans la première quinzaine de Mai, je vous attends.
Mon habitation est assez éloignée de la ville, à peu près comme la vôtre l'est d'Avignon. Pour éviter la perte de temps qu'entraîneraient des allées et des venues soit de la part de l'un soit de la part de l'autre, permettez-moi de vous offrir, en toute cordialité, mon humble hospitalité . J'ai une chambre à votre service. Acceptez, je vous en prie ; descendez chez moi ; vous serez reçu avec joie par toute la famille et vous ferez le plus grand honneur à de braves gens qui vous estiment tant. Si désireux que je sois de vous garder avec moi le peu de temps que vous passerez à Orange, je n'insiste pas néanmoins, crainte de contrarier vos habitudes.
Mais n'allez pas refuser par une réserve excessive, nous serions tous trop heureux de vous recevoir.
Si vous me faites savoir par quel train vous arriverez, je viendrai vous attendre à la gare ; dans le cas contraire, voici deux mots de la topographie pour trouver mon domicile. — Au sortir de la gare, prenez une route qui longe la voie à droite. Vous arrivez bientôt à un passage à niveau sur la route de Camaret. Franchissez la voie, suivez pendant cinq à six cents mètres la route de Camaret ; vous trouverez à votre gauche sur le bord de la route une longue allée de vieux platanes. C'est au fond de cette allée qu'est la retraite de votre serviteur.
Pour terminer, laissez-moi vous annoncer deux bonnes trouvailles de ces derniers jours. C'est d'abord le Jancus capitatus dans les bois de Pins de Piolenc ; c'est ensuite le Ranunculus albicans de Jordan. Cette magnifique renoncule est voisine du Monspeliacus dont elle diffère par son long duvet soyeux, et surtout par de menus et blancs rhizomes qui rayonnent dans le sol. Je l'ai trouvée dans les sables de la colline d'Orange, mais très peu de pieds en plaine. J'en garde une paire à votre service.
Agréez, très-honoré Monsieur, l'assurance de mon profond respect et de mon dévouement.
Jean-Henri FABRE.
Orange 29 Avril 1873.
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