Voici la fleur de la Nielle des blés, commune dans les moissons avec le Bleuet et le Coquelicot. Au dehors sont cinq pièces de couleur verte et de consistance ferme, qui, soudées entre elles inférieurement, se terminent en lanières longues, pointues à la partie supérieure. Chacune de ces pièces se nomme sépale, et leur ensemble forme ce qu'on appelle le calice. Au dedans se trouvent cinq autres pièces, minces, larges et de couleur rougeâtre. Chacune d'elles porte le nom de pétale, et leur ensemble celui de corolle.

La plupart des fleurs ont deux enveloppes analogues, contenues l'une dans l'autre. L'extérieure, ou le calice, est presque toujours de couleur verte et de structure ferme; l'intérieure, ou la corolle, de consistance bien plus délicate, est embellie de ces magnifiques teintes qui nous plaisent tant dans les fleurs.

Les sépales du calice et les pétales de la corolle sont tantôt séparés l'un de l'autre et tantôt soudés entre eux. Dans la Nielle, les sépales se réunissent inférieurement en un fourreau commun, tout hérissé de cils, que l'on prendrait pour une pièce unique; mais, dans leur partie supérieure, ils se séparent en cinq lanières pointues, montrant que le calice est en réalité composé de cinq pièces. Quant à la corolle. de la Nielle, on y reconnaît cinq pièces, cinq pétales distincts l'un de l'autre, sans aucune soudure.

Au contraire, dans la fleur de la Cam¬panule, ci-après, les cinq pétales dont la corolle se compose sont unis par les bords et forment une belle cloche bleue, qui semble formée d'une seule pièce. Les cinq larges dents qui bordent l'ouverture de la cloche montrent néanmoins que la corolle est réellement composée de cinq pétales, dont ces dents sont la terminaison. Ainsi, lorsque les pièces du calice ou de la corolle s'unissent par les bords et semblent former un tout indivisible, il suffit de reconnaître les échancrures, les dents. Les festons que présente l'orifice soit du calice, soit de la corolle, pour savoir le nombre réel de sépales ou de pétales soudés entre eux.

Le calice et la corolle sont le vêtement de la fleur, vêtement double où se trouvent à la fois la solide étoffe qui garantit des intempéries et le tissu fin qui charme les regards. Le calice, vêtement extérieur, est de forme simple, de coloration modeste, de structure robuste, comme il convient pour résister au mauvais temps. C'est à lui que revient de protéger la fleur non encore épanouie, de la défendre du soleil, du froid et de l'humidité. Examinez un bouton de rose, voyez avec quelle précision minutieuse les cinq sépales du ca¬lyce se rejoignent pour recouvrir le reste. La moindre goutte d'eau ne pourrait pénétrer à l'intérieur, tant leurs bords sont soigneusement assemblés. Il y a des fleurs qui, tous les soirs, ferment leur calice et s'y replient pour se garantir de la fraîcheur.

La corolle, ou vêtement intérieur, à la finesse du tissu unit l'élégance de forme et la richesse de la teinte. Elle est pour la fleur ce qu'est pour nous une parure de noces. C'est elle surtout qui captive les regards, à tel point que d'habitude nous la considérons comme la chose principale de la fleur, tandis qu'elle est un simple accessoire ornemental.

Des deux enveloppes, la plus nécessaire est le calice. Beaucoup de fleurs, de goûts sévères, savent se passer de l'agréable, de la corolle; mais elles se gardent bien de renoncer à l'utile, au calice, qui, dans sa plus grande simplicité, se réduit à une toute petite feuille en forme d'écaille. Les fleurs sans corolle restent inaperçues, et les végétaux qui les portent nous paraissent ne pas fleurir. C'est une erreur : tous les arbres, toutes les plantes, fleurissent.

CLAIRE. — Même le saule, le chêne, le peuplier, le pin, le hêtre, le blé, et tant d'autres dont je n'ai jamais vu les fleurs ?

AURORE. — Même le saule, le chêne, et tous tant qu'ils sont. Leurs fleurs sont extrêmement nombreuses; mais, comme elles sont fort petites et dépourvues de corolle, elles échappent au regard inattentif. Il n'y a pas d'exception : toute plante a ses fleurs.

source : Jean-Henri Fabre, Aurore, 1874