Très cher Monsieur
J'ai l'honneur de vous adresser mon travail sur les moeurs des Bembéciens ; j'aime à croire que sa lecture vous vaudra un de ces doux moments comme peuvent en ressentir les personnes aussi profondément versées que vous dans les merveilleux actes de l'instinct entomologique. Parmi les hyménoptères que je vous avais prié de déterminer, l'un m'est revenu avec son nom, Bembex oculata, et c'est précisément celui-là qui m'embarrassait le plus. Un second m'est toujours inconnu, je ne le trouve ni dans Lepelletier de St Fargeau ni dans Van der Linden. Je propose pour lui le nom de Bembex mysta et j'en donne une description qui permette de le reconnaître.
Faites de mon mémoire l'usage que vous jugez le meilleur. S'il est publié dans les Annales des Sciences naturelles ou ailleurs, je vous prierai instamment d'une chose. Ce serait de me faire réserver un petit tirage à part d'une vingtaine d'exemplaires, dont je paierai les frais, ou tout simplement de réclamer pour moi deux ou trois épreuves. Je tiens beaucoup à ce détail, car c'est pour moi le seul moyen de conserver trace de ce mémoire dans mes archives de famille où puiseront un jour peut-être mes enfants. C'est vous dire le prix que j'attache au service que je réclame de votre bonté.
Ce mémoire sera suivi d'autres travaux analogues à mesure que j'aurai le loisir de les rédiger. Pendant longues années j'ai recueilli des matériaux sur les moeurs des hyménoptères fouisseurs ; et je ne néglige aucune occasion d'en recueillir encore. Ce serait dommage de laisser dans l'oubli ce qui m'a coûté tant de peine et de temps. Je compte sur vous pour m'aider de votre si bienveillant appui.
Agréez, je vous prie, l'entier dévouement de votre très humble serviteur.
J.-H. Fabre
Orange,
9 février 1876
source : © Académie des Sciences, Paris.