Cher Monsieur
Je vous envoie aujourd'hui mon travail sur les Moeurs et la Parthénogénèse des Halictes, en y joignant, comme vous me le recommandiez, un bref extrait pour les Comptes-rendus.
Vous recevrez en même temps un exemplaire de mes Souvenirs entomologiques, que vous aurez l'obligeance de présenter à l'Académie des Sciences.
En un moment de loisir, je vous préparerai un travail sur l'Osmia aurulenta, qui nidifie dans les tiges sèches de la Ronce. J'ai recueilli sur cet Hyménoptère quelques observations qui ne manquent pas d'intérêt.
J'ai parlé de mon mémoire sur les Halictes à Mr Milnes-Edwards, qui m'a promis de l'insérer dans les Annales de Sciences naturelles. Je vous prierai donc de lui remettre le manuscrit, après en avoir disposé comme vous le jugerez à propos. Je vous prierai encore, lorsque le moment de l'impression dans les Annales sera venu, de réclamer les 25 exemplaires qui reviennent à l'auteur de tout mémoire. J'attache une grande importance à ce détail, afin de conserver dans mes modestes archives quelques traces de mes opuscules. J'insiste donc sur ce nouveau service, attendu de votre inépuisable obligeance.
Si Dieu me prête vie et santé, après m'être libéré par un travail de forçat des modestes engagements pécuniaires où m'ont entraîné l'acquisition des quatre pierres qui m'abritent dans le village de Sérignan, j'espère bien que l'Entomologie m'occupera seule et me fournira récolte abondante de faits. Hor est in votis.
Sérignan, où je suis venu m'enfouir, est à proximité d'Orange. C'est un petit village ; mais il y a des montagnes, d'admirables bois d'Arbousiers et de Bruyères, des Cryptogames à foison, et puis en abondance des Hyménoptères, mes amis intimes. Je ne désespère pas de vous y voir un jour. Si cela était, quel jour de fête dans mon ermitage !
Votre tout dévoué serviteur
J.-H. Fabre
Sérignan (Vaucluse)
28 9bre 1879
source : © Académie des Sciences, Paris.