- La ponte, L'éclosion
Dans la première quinzaine d'août, inspectons les branches inférieures des pins à hauteur du regard. Avec la moindre attention, on ne tarde pas à découvrir, d'ici, de là, sur le feuillage, certains petits cylindres blanchâtres, qui font tache sur la sombre verdure. Voilà la ponte du Bombyx ; chaque cylindre est le groupe d'oeufs d'une mère.
- Le nid, la société
A l'intérieur du nid ouvert par mes ciseaux, je vois donc une dense colonnade de feuilles vertes, plus ou moins enveloppées d'un fourreau soyeux où pendillent les loques de peaux dépouillées et les chapelets de crottins secs. A la fois dépotoir et friperie, cet intérieur est fort déplaisant, en somme, et ne répond en rien à la superbe enceinte. Tout autour, épaisse muraille de molleton et de feuilles emmêlées. Pas de chambres, pas de compartiments limités par des cloisons. La pièce est unique, rendue labyrinthe par la colonnade de feuilles vertes étagées à toutes les hauteurs de l'ovoïde. Là se tiennent les chenilles au repos, assemblées sur les piliers, groupées en amas confus.
- La procession
A quoi bon tant de luxe ? Ne pourraient-telles, comme les autres chenilles, cheminer sans coûteux dispositifs ? A leur mode de progression, je vois deux raisons. C'est la nuit que les processionnaires vont pâturer le feuillage du pin. Dans une profonde obscurité, elles sortent du nid situé au sommet d'une branche ; elles descendent suivant l'axe dénudé, jusqu'à la prochaine ramification, non encore broutée, et de plus en plus basse, à mesure que les consommateurs ont tondu les étages d'en haut ; elles remontent le long de ce rameau intact, et s'y disséminent sur les aiguilles vertes.
- La météorologie
La chenille du pin, active dans la plus rude période de l'année, et douée, tout paraît l'affirmer, d'organes aptes à percevoir les grandes fluctuations atmosphériques.
- Le papillon
Mars venu, les chenilles élevées en domesticité ne cessent de processionner. Beaucoup quittent la serre, laissée ouverte ; elles vont à la recherche de l'emplacement réclamé par la prochaine métamorphose. C'est l'ultime exode, l'abandon définitif du nid et du pin pour s'enterrer. Comme le Bombyx du pin vole fort mal, cueillir les oeufs avec la double aiguille qui les porte, à hauteur d'homme, permet de remédier aux dégats causés par la chenille.
- L'urtication
Penché toute une matinée, sans méfiance, avec une loupe, sur mes bêtes, afin de me rendre compte du jeu de leurs boutonnières, j'eus, pendant vingt-quatre heures, les paupières et le front rubéfiés, endoloris par un prurit encore plus cuisant et plus tenace que celui de la piqûre de l'ortie. En me voyant descendre, pour le dîner, en piteux état, les yeux gonflés et rougis, le visage méconnaissable, on s'inquiétait autour de moi, me demandant ce qui m'était arrivé. Il fallut le récit de ma mésaventure pour rassurer la maisonnée.